Contrat d’agent commercial – Focus sur la jurisprudence impactant les pratiques

1. Le cadre juridique

Définition de l’agent commercial

L’agent commercial est un mandataire indépendant, chargé de négocier et/ou conclure des contrats pour le compte d’un mandant (art. L.134-1 du Code du commerce).

Protection spécifique

Ce statut, à la frontière entre le salariat et l’entreprenariat indépendant, bénéficie d’une protection juridique spécifique, notamment :

  • Rémunération librement fixée par les parties (ou conforme aux usages)
  • Obligation de loyauté et d’information mutuelle
  • Possibilité d’un mandat non exclusif (sauf stipulation contraire)
  • Indemnités de fin de contrat (jusqu’à 2 ans de commissions)
  • Limitation des clauses de non-concurrence à une durée maximale de 2 ans après la cessation du contrat
  • Droit aux commissions directes et indirectes

Ces règles forment le socle de protection de l’agent commercial dont les évolutions jurisprudentielles récentes viennent préciser certains contours.

2. L’indemnité de rupture

Principe posé par l’art L.134-12 du Code de commerce : la rupture à l’initiative du mandant entraîne une indemnité compensatrice pour l’agent, destinée à réparer la perte des revenus futurs liés à la clientèle commune(pouvant atteindre 2 ans de commissions).

Apport de la jurisprudence récente : Cass. com., 29 janvier 2025, n°23-21.527

Les circonstances postérieures à la rupture sont sans incidence sur le droit à indemnité :

  • Peu importe que l’agent ait rapidement retrouvé une activité.
  • L’absence de clause de non-concurrence n’est pas un facteur de réduction du préjudice.

Seule compte la perte d’exploitation de la clientèle au jour de la rupture, et non les faits postérieurs.

🚨 La pratique des « deux années de commissions » reste un repère courant mais le juge n’est pas lié : chaque situation est appréciée au cas par cas.

3. La faute grave et la tolérance du mandant

Principe posé par l’art. L.134-13 du Code de commerce (seule exception à l’indemnité de compensation) : la faute grave de l’agent

  • Doit rendre impossible la poursuite du contrat
  • Doit porter atteinte à la finalité commune
  • Est interprétée strictement par les juridictions
  • Doit être prouvée par le mandant

Apport de la jurisprudence récente :

Cass. com., 4 décembre 2024, n°23-16.962 : Si le mandant poursuit temporairement la relation malgré la faute, il ne peut plus invoquer la faute grave pour priver l’agent de son indemnité.

Cass. com., 4 décembre 2024, n°23-19.820 : Une faute grave antérieure à la rupture du contrat, mais dont le mandant n’a eu connaissance qu’après, ne prive pas l’agent de son indemnité.

Conséquences pratiques :

  • Le mandant doit réagir immédiatement à tout manquement.
  • L’agent bénéficie d’une protection accrue contre les ruptures opportunistes.

4. Nos conseils utiles

Pour les mandants :

  • Soigner la rédaction de la lettre de résiliation: elle doit être claire, motivée et contemporaine de la rupture.
  • Éviter la poursuite tacite du contrat après une faute grave alléguée: cela peut priver la rupture de son fondement.
  • Anticiper l’indemnité de rupture: évaluer son impact financier et documenter la valorisation de la clientèle.

Pour les agents :

  • Préserver la preuve des apports: chiffre d’affaires, clients développés, durabilité de la relation.
  • Vérifier les motifs de rupture invoqués et exiger la transparence dans le calcul des commissions.

💡Et surtout : s’entourer d’un conseil juridique dès les premières réflexions sur une rupture.


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